Arbre à souhaits
Publié le 1 Novembre 2012
Il lui faudrait accrocher aux branches du tilleul quelques tissus de couleur. Elle pense à cela. Un projet qu'elle n'a pas encore réalisé. Elle a vu ça dans un film. Ça se passait en Europe de l'est. Chaque nœud serait la trace d'une étape de plus dans leur histoire. Ou alors tout simplement un remerciement. Elle ne croit pas aux souhaits et encore moins aux prières. Elle passe son temps à rendre grâce. Merci pour le jour et merci pour la nuit. Merci pour le souffle et merci pour la force. Merci pour les enfants et merci pour les parents. Ruban de soie pâle.
Lui, il vieillit. Elle le bat au ramassage de bois. Elle le dépasse quand il faut aller vite et se saisir des bûches bennées à même la terre. Elle traîne à toute vitesse la brouette dans le bûcher. C'est lourd, ça lui fait mal mais elle fait deux tours alors qu'il peine à terminer le sien. Elle rit, le bonnet vissé sur les oreilles. Elle ne l'en aime que plus.
Son cœur palpite au rythme du sang qui lui coule dans les veines. Il lui tend la tronçonneuse. Il va lui chercher le taille-haie. C'est loin d'être excitant mais il choisit depuis quelque temps des outils pour elle. Plus petits, plus maniables. Elle veut bien apprendre mais très vite, elle se lasse et lui redonne sa place. Il n'est pas encore temps de prendre la sienne. Elle s'en moque. De toute façon, s'il venait à disparaître, dans une certaine mesure, elle disparaîtrait en même temps que lui. Elle n'aurait pas la force d'en décider autrement. Elle sait. C'est tout. Il reprend la main. Depuis longtemps l'amour n'a pas la même saveur mais elle sait que ce qu'elle vit est unique. Quand bien même cela ne serait pas réciproque. Peu lui importe. Elle a fait ses choix. Un ruban bleu suffirait à attester l'espoir qu'elle porte en elle.
Le trajet reste un trajet totalement inconnu. C'est le goût de la vie Les derniers gros chagrins la laissent enfin en paix. Elle se met de nouveau à savourer. Et l'amour s'entête. C'est un étrange parfum qui lui vient en bouche comme ce vin qu'elle a commencé à boire quand celui qui ne devait pas mourir est mort. Avoir attendu aussi longtemps pour découvrir une évidence. Les parfums dans sa bouche eux sont intacts. Elle n'a pas d'expérience. Jusqu'ici, seules les étiquettes l'avaient guidée. Elle déambule dans les rayons et maintenant elle essaie de savoir ce que donneront ses choix. Elle scrute, soupèse, regarde en transparence. La confiance lui vient peu à peu. Elle nouera un ruban de soie violette.
Les vacances la reposent. Le reste du temps, ce n'est qu'une succession de matins aux collerettes sombres. Elle fait quelques pas dans la nuit et tend sa carte de transport. Ce n'est presque jamais le même conducteur. Elle traverse l'allée sans que son regard ne s'arrête en particulier. Une femme porte son enfant dans le dos. La plus jeune de ses enfants repose dans la poussette. Ses couettes finement étirées n'ont pas dû être défaites depuis plusieurs jours. Elles tire-bouchonnent autour du visage endormi. Il lui faudra attendre dimanche. Une femme plus âgée est toujours glissée face à la paroi qui la sépare du conducteur. Elle n'a aucune visibilité. Son regard se heurte à un panneau publicitaire. Il lui faudrait se dévisser le cou pour avoir une vue générale de ce qu'elle traverse. La chaussée luisante lui est inconnue. Un peu plus loin toujours les mêmes regards. Un homme baisse la tête. Il descendra au prochain arrêt. Une femme monte bardée de sacs. L'un d'entre eux contient son repas. Il est six heures trente du matin et elle se demande ce qu'elle pourrait bien avoir préparé. Elle pense au vin qu'elle boira avec l'homme qui l'attend.